Sophie Binet dans La Dépêche du Midi

 Ce n’est pas à nous de payer

La secrétaire générale de la CGT Sophie Binet, à la tête de la centrale syndicale depuis mars2023, était en déplacement hier (jeudi 14/11/2024) à Toulouse, un an après sa visite aux salariés d’Airbus. Après s’être rendue sur un rassemblement des agents du Conseil départemental de la Haute-Garonne, organisé à l’appel de la CGT, Sud et FO5…  Sophie Binet a répondu aux questions de cinq des lecteurs de la Dépêche du Midi 

L’USR CGT 13 vous met les questions d’une  retraitée et d’un aide-soignant ( la Santé , un sujet de préoccupation chez les retraités)  et les réponses de Sophie Binet.

Christine Célérié, retraitée: «Comment des personnes avec de petites retraites peuvent-elles espérer se soigner correctement, obtenir de l’aide à domicile ou entrer en résidence pour personnes âgées? Pensez-vous aussi qu’il faudrait créer un statut pour les aidants familiaux?»

Sophie BINET: La question du vieillissement et de la dépendance est un enjeu majeur selon nous, car le gouvernement semble adopter une approche court-termiste. En matière de dépendance, c’est un véritable choix de société qui s’impose à nous. Soit nous optons pour un modèle à l’américaine, où chacun finance ses soins, avec les conséquences que cela implique, soit nous acceptons la nécessité de financer collectivement une prise en charge digne pour nos aînés. Certes, cela représente un coût, mais il s’agit ici de la dignité humaine et du bien-être de nos proches. C’est pourquoi je défends la mise en place d’un service public d’accompagnement pour l’autonomie et la dépendance. Cela permettrait aussi de mettre un terme aux scandales des Ehpad privés, comme Orpea, où le profit prime sur le bien-être des résidents. Il serait nécessaire d’interdire au secteur privé lucratif d’intervenir dans la prise en charge de la petite enfance et des personnes âgées dépendantes. Quant aux aidants familiaux, qui sont majoritairement des femmes, il est indispensable de créer un véritable statut d’aidant, qui leur donnerait le droit de travailler à temps partiel, sans crainte de pénalisation, afin de pouvoir accompagner leurs proches dans ces moments essentiels. Il est inacceptable de devoir choisir entre son emploi et le soutien à un parent dépendant.

Enfin, en ce qui concerne la revalorisation des soignants, en grande majorité des femmes, il faut souligner qu’ils sont souvent dévalorisés en raison même de cette féminisation. À qualification égale, les métiers du soin et de l’accompagnement sont bien moins rémunérés que ceux des secteurs dominés par les hommes. Prenons l’exemple des métiers de la petite enfance: parce que les femmes savent «naturellement» s’occuper des enfants, on considère qu’elles n’ont pas besoin de formation spécifique. Pourtant, le soin des enfants s’apprend, et cette compétence mérite une rémunération adéquate. De la même façon, la pénibilité du travail n’est pas reconnue dans les métiers du soin: si l’on aménage des conditions pour porter des sacs de ciment, il est tout aussi essentiel de le faire pour celles et ceux qui portent des personnes.

Loïc Brelier, aide-soignant à l’hôpital Marchant: «Entre les fermetures de lits, les difficultés dans le médico-social et le recours massif aux entreprises privées, comment la CGT peut-elle mobiliser des professionnels comme moi, déjà épuisés?»

Sophie BINET: Je partage entièrement votre constat. Si les arrêts maladie augmentent dans la fonction publique hospitalière, c’est parce qu’ils deviennent souvent le dernier recours face à l’épuisement. Beaucoup de soignants y sont contraints, et le vivent douloureusement, car ils ont choisi ce métier par vocation, avec le sens du devoir au cœur de leur travail. Ce qui est particulièrement alarmant, c’est que cette situation crée une véritable crise pour la société tout entière. Le budget pour 2025 est d’ailleurs très inquiétant pour la santé, car il risque encore d’aggraver les difficultés des hôpitaux. Face à cette situation, la CGT, avec d’autres syndicats, a déposé un préavis de grève reconductible pour permettre la mobilisation. Mais il est vrai qu’elle est difficile à organiser. Les soignants sont souvent réquisitionnés, et la continuité des soins, commeleur attachement à leur métier, les freinent.

Dans ce contexte, une stratégie efficace est de mobiliser les usagers eux-mêmes. La santé publique est une priorité pour les citoyens. D’ailleurs lorsqu’on les interroge, ils placent la sauvegarde du service public de santé au premier rang de leurs préoccupations. L’ensemble de la population est donc particulièrement sensible à cette cause. Il reste encore un mois pour discuter du budget. D’ici là, il est essentiel de solliciter tous les parlementaires, députés et sénateurs, pour exiger des ajustements. Ils doivent venir sur le terrain, dans les services d’urgence et de psychiatrie, pour constater la réalité de la situation. À titre personnel, la situation de la santé est celle que je trouve la plus choquante.