Au cinéma ce soir: Hold up sur les vieux

Dans une Europe dont le vieillissement s’accélère, la prise en charge des personnes âgées constitue une manne pour le secteur privé. Cette enquête édifiante à travers cinq pays sur les dérives d’un système vorace interroge aussi le regard que nos sociétés portent sur les plus âgés. 

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L’Europe est aujourd’hui plus que jamais un « vieux continent » : si les plus de 65 ans représentaient 20 % de la population en 2020, leur part dans la population pourrait atteindre 30 % d’ici à 2050. La question de la prise en charge du grand âge se pose dans tous les pays européens. Mais, pour soulager leurs finances publiques, nombre d’entre eux ont choisi de livrer leurs seniors aux bons soins d’entreprises privées, logiquement plus soucieuses de la bonne santé de leurs finances que de celle de leurs pensionnaires. Poids lourds du secteur, les groupes français Orpea (devenu Emeis en mars de cette année), Korian (devenu Clariane) et Domusvi misent pour leur croissance sur le développement d’une offre diversifiée, aussi bien dans l’Hexagone que chez nos voisins. En Espagne, faute de contrôle des pouvoirs publics, les opérateurs privés ont les coudées franches, tandis que l’Allemagne recourt massivement à des aides à domicile venues des pays de l’Est, sous-payées et exploitées. Au Royaume-Uni, le secteur est totalement soumis aux spéculations des financiers. En France, Korian investit massivement dans des solutions alternatives à l’Ehpad avec sa filiale de colocations Âges et Vie, en mettant parfois les départements devant le fait accompli. Seul contre-exemple de cette privatisation aux conséquences parfois désastreuses : au Danemark, la prise en charge des plus âgés est confiée aux municipalités, qui cherchent à favoriser l’autonomie et le maintien à domicile. Mais le coût du système, inéluctablement, ne cesse d’augmenter et grève les finances locales.

À quel prix ?
Pourquoi et comment le capitalisme a-t-il fait main basse sur nos ultimes années de vie ? Et à quel prix ? Implacable état des lieux, cette investigation coréalisée par Laurence Delleur (Mitard, l’angle mort) et Nathalie Amsellem s’appuie sur de nombreux témoignages (personnes âgées et leurs familles, salariés et ex-salariés d’établissements privés…), ainsi que sur les éclairages de spécialistes (expert financier, économiste, délégué syndical, médecin, journaliste…). Pointant les nombreuses failles et dérives d’un modèle qui ne cesse de gagner en puissance, il interroge aussi la place et le traitement que nos sociétés réservent à ceux qui ne sont pas “productifs”, notamment aux plus vulnérables, dont nos aînés.